Lettre à mon père

23 octobre 2017

Lettre à mon père

Dimanche, ce jour de la semaine où je pense encore à toi après presque 5 ans de ton départ. Je prends conscience que tu es partie avec un morceau de moi. Je m’ennuie tellement de toi, de moi avec toi, de notre joie d’être ensemble.

Depuis que tu es décédé, ma vie relationnelle s’est écroulée sans que je sache pourquoi. Cette femme que tu avais épousé qui se disait être ma mère depuis 31 ans ne m’a plus jamais redonné de nouvelles autres que pour se servir de moi afin de revoir ta famille, mais pas pour me revoir moi ou établir une nouvelle relation sans toi. Sa famille qui était mes oncles et mes tantes ne m’ont plus jamais adressé la parole ! Ta famille de qui je croyais faire partit et être aimé ne m’a plus jamais donné de nouvelle suite au dernier anniversaire de ta sœur. Je n’ai eu aucun retour d’appel non plus. La femme qui m’a mise au monde a décidé de faire campagne sur l’homme que tu aurais été dans toute sa méchanceté et son venin qu’elle a toujours ressenti envers toi. N’ayant jamais accepté qu’elle a elle-même été infidèle et qu’elle a elle-même demandé le divorce elle s’évertue encore à salir ta mémoire en racontant d’odieux mensonges à ton encontre. Elle préfère continuer de te haïr plutôt que d’avoir une relation saine avec sa fille et c’est le choix dans sa souffrance qu’elle a elle-même fait. J’ignore ce qui a poussé toutes ces personnes à me tourner le dos parce que je suis ta fille.

Ce que je sais et qui est incompréhensible pour moi ce sont les commentaires négatifs qu’ils ont eus à ton égard et ma réaction de te défendre qui leur a déplu. Il est si facile de juger une personne qui est décédée et de dénigrer ma façon de voir notre relation. Je n’ai pas accepté qu’ils me disent que je n’ai pas eu de père parce que mon père était un mari et un amant pour sa femme non pas un père pour sa fille. Ces personnes ne vivaient pas avec nous et j’ignore pourquoi ils ont ces croyances à ton endroit.

Tu as été le père que tu pouvais être avec des qualités et des défauts comme tous les êtres humains. Oui j’ai eu peur de toi parce que tu avais beaucoup d’autorité et quand tu criais c’était très intense. Oui, tu n’as pas toujours été présent comme je l’aurais voulu en tant qu’enfant. Oui, tu ne m’as pas toujours défendu devant ta femme comme je l’aurais voulu. Oui, tu m’as crié après et souvent pété les plombs parce que tu refoulais.

Je me rappelle encore ce matin avant de partir à l’école où tu avais pété les plombs à me faire reculer dans la cuisine jusqu’à la laveuse qui était tout au fond de cette pièce en me menaçant de ton doigt et en vociférant sur je ne sais plus quoi, je suis partie à l’école et durant la journée le directeur est venu me chercher parce que tu voulais me parler au téléphone. Tu pleurais et tu t’excusais de ton dérapage du matin. Tu m’avais dit partir au chalet pour réfléchir à tes actes et m’avoir laissé une commande de tout ce que j’aimais dans le frigo que tu allais revenir dans quelque jour. Tu ne m’avais pas touché, tu avais beaucoup crié et ton doigt était très menaçant. C’est vrai que j’avais eu vraiment peur de toi ce matin-là et toi tu as encore eu plus peur de toi alors tu t’es toi-même mis en pénitence en allant au chalet réfléchir à tes actes.

Je me rappelle cette nuit en particulier où je t’ai entendu revenir à la maison avec mes oncles et ton meilleur ami Jean-François, comme ma chambre était dans la mezzanine au 2e étage, je me suis levé et je m’étais caché en arrière de la boîte de son, vous étiez tous assis au salon fier de vous raconter comment vous aviez été foutre une volée à cet homme qui m’avait abusé de l’âge de 6 à 13 ans. Je n’ai plus jamais entendu parler de cette personne et elle n’est plus jamais revenue dans notre famille. Je n’ai jamais pris le temps de te remercier de m’avoir protégé même si ce n’était peut-être pas la bonne façon, mais en 1987 ça se faisait encore ! Tu ne m’as jamais parlé non plus de ces événements ni de cette personne, tu as simplement cru ce que j’ai raconté en détail à la travailleuse sociale, l’enquête qui avait été fait et tu as fait ce que tu croyais qui devait être fait pour me défendre.

C’est avec toi que j’ai appris à faire à manger et à chanter en cuisinant. C’est toi qui m’as montré à faire le ménage et encore une fois à mettre la musique à fond pour chanter en même temps que je passais l’aspirateur ! C’est toi qui m’a montré à entretenir une maison, à peinturer, à repasser, à recoudre un bouton, à tondre le gazon et à faire bien d’autres tâches du quotidien. C’est avec toi que j’ai appris à rire, à blaguer, à faire des jeux de mots et des imitations. C’est avec toi que j’ai développé mon amour de la musique et du chant. C’est avec toi que je suis devenu un cinéphile aguerri de tous les vieux films des années 50 jusqu’à aujourd’hui. C’est avec toi que j’ai appris à lire sur toutes sortes de sujets pour apprendre et savoir l’histoire de notre monde.

Tu étais représentant des ventes et j’ai grandi dans le service clientèle puisque les clients appelaient à la maison. J’ai connu tes équipes de vente, participé à tes réunions de motivations des ventes et appris le service clientèle. J’avais 12 ans quand j’ai commencé à répondre au téléphone et faire les factures. Je suis devenue l’assistance de ta femme à 14 ans et j’allais vendre avec elle dans les maisons privées. J’ai connu les premiers ordinateurs et c’est moi qui envoyais les commandes par modem à la compagnie. Tu m’as fait connaître le monde des affaires, de la vente et du service clientèle en tant que travailleur autonome qui me sert aujourd’hui puisque je suis travailleuse autonome également.

On a eu de nombreux conflits tous les deux très souvent parce qu’une autre personne venait foutre le bordel avec des mensonges et des manipulations dans notre relation. On s’est affronté plus d’une fois et j’ai cessé d’avoir peur de toi. Je t’ai détesté de ne pas être plus vindicatif face aux mensonges de ces personnes et j’ai compris que c’était ton histoire alors ton choix d’accepter ces agissements dans ta vie. Moi j’étais toujours prêt à me battre pour la vérité et toi-même si cela te fâchait tu n’aimais pas affronter les gens.

Tu as fait une thérapie à PDM si je me souviens bien pour un problème de dépression. Tu as été à cet endroit pendant une semaine et par la suite j’ai remarqué les changements dans tes comportements. Tu étais plus patient, tu riais et tu avais recommencé à faire des blagues. Une transformation s’est opérée en toi suite à cette session de thérapie qui m’a encore une fois influencée puisque j’y suis allé à PDM en 2003 grâce à toi ! J’avais beau te dire que c’était toi qui m’avais fait connaître cet endroit et qui m’avais influencé, tu ne voulais pas recevoir les mérites de tout cela alors tu minimisais l’impact que cela avait eu sur moi.
C’est grâce à cette semaine de thérapie que j’ai fait à mon tour que ma vie a changée totalement et que je suis sur le chemin où je suis encore aujourd’hui. Je me suis retrouvé grâce à cette thérapie où je suis plongé en profondeur dans mes blessures pour découvrir la lumière en moi que j’avais éteinte. Ce fut une renaissance pour moi qui s’est déroulée sur plusieurs mois suite à cette thérapie qui a changé ma vie.

Grâce à cette semaine que tu avais également faite, nous avons pu apprendre à dialoguer, nous parler et prendre conscience de toutes nos ressemblances. Nous avons eu de longues conversations à mainte reprise et chaque fois que je te racontais mes difficultés émotionnelles tu me racontais les histoires similaires que tu avais vécues. Nous avions tellement de copier-coller tous les deux s’en était perturbant !

J’ai peut-être idéalisé ce temps que nous avons passé ensemble suite à cette thérapie, le cancer du poumon qui s’est déclaré et toutes ces occasions où nous avons été ensemble à partir de la maladie que tu vivais. Pour moi ce sont des moments précieux qui ont établi la connexion du cœur entre nous, le lien père fille que nous n’avions jamais élevés à ce niveau aussi profond dans nos confidences émotionnelles. Je suis en gratitude d’avoir vécu tout cela avec toi et pu rétablir tous les ponts du cœur pour vivre une vraie relation avec toi.

La vie nous a fait le cadeau d’avoir été ensemble très souvent pour tes dernières années de vie qui ont été des hauts et des bas avec le cancer, les émotions, les peurs, les partages, les fous rires et bien des rencontres entre nous. Je t’ai conduit à bien des endroits pour y recevoir des traitements que tu as toujours accepté de recevoir. Je t’ai fait bien des soins à distance pour t’aider dans les soirées plus difficiles. Tu visualisais de la lumière émeraude dans la machine de radiothérapie et me disais que ça te faisait du bien. Je t’avais acheté un dragon pour que tu visualises les flammes de purification lors de tes traitements.

Tu étais en rémission lorsque je suis déménagé dans mon appartement à l’époque et tu étais venu m’aider à déménager pour la première fois dans ma vie. J’étais tellement fière que tu sois présent et que tu installes mes stores ! Tu étais ému que je loue un appartement qui ressemblait deux gouttes d’eau à celui où tu avais grandi avec tes parents même hauts de duplex, même grandeur, même division sans être dans le même quartier. Tu me parlais de tes souvenirs du faubourg à mélasse là où tu avais grandi ! Tu m’avais amené visiter ce coin de Montréal, on avait été marcher et fait le tour du parc, des maisons et endroit de tes souvenirs !

L’an dernier j’ai acheté ma première maison ! Ce fut un deuil de partir de cet appartement, de mes derniers souvenirs avec toi, de ces stores que tu avais installés, de tes rires que tu y avais laissés et ta présence par tous ces moments que nous avions passés ensemble. Tu étais venu souper chez moi et pendant que je préparais le souper tu étais allé t’asseoir dans le salon qui était à l’opposé de la cuisine. Je t’entendais parler alors discrètement je me suis faufilé dans le corridor et je t’ai entendu parler avec mon chat Devin. Tu lui expliquais que tu allais mourir, tu lui demandais de prendre soin de moi et tu lui avais demandé de t’en faire la promesse. Tu savais que tu allais mourir, mais ne voulait pas en parler avec moi. J’avais reçu la date de ton décès, mais je n’ai jamais été capable de t’en parler non plus.

Je suis maintenant déménagé dans le quartier de ta maman, là où j’ai passé bien des étés et des temps des fêtes de mon enfance. Ce fut une grande étape dans ma vie de trouver cette âme, cette énergie que je recherchais pour y faire mon nid. Lorsque je suis entré dans la maison pour la première fois, ça sentait pareil comme chez grand-mère, ta maman. J’ai su que c’était ma maison et j’étais émue ! Il y a plus d’un an maintenant que je vis dans ma maison et que je m’adapte à ma nouvelle vie de propriétaire. J’ai passé mon premier temps des fêtes toute seule sans famille ni ami et ce fut ainsi pour toutes les autres fêtes !

Maintenant que je suis dans ma nouvelle vie avec mon bureau et ma salle de formation à la maison, j’aimerais que tu me laisses vivre ma vie. Tu seras toujours dans mon cœur et je serais toujours reconnaissante de la belle relation que nous avons établie sur la fin de ta vie. Présentement je suis en vie et je veux vivre ma vie alors j’aimerais que tu me redonnes ce que tu m’as pris à ton départ. Je sais que tout cela peut paraître fou, mais c’est ce que je ressens au plus profond de mon être que je dois te demander de me redonner cette étincelle, cette flamme qui est la mienne dont tu as eu besoin pour t’éteindre. Je sais que je t’ai laissé inconsciemment la prendre et aujourd’hui je te demande de ma la redonner.

Je reprends ma flamme de vie maintenant et je te remercie de venir la déposer dans mon cœur afin que ma vie reprenne son énergie dans l’action des relations pour que je puisse me créer une nouvelle famille. J’ai besoin de cette flamme pour être de nouveau unifier à la création de ma vie personnelle, l’ouverture aux relations d’amitié et de pouvoir vivre dans la société en profitant d’un cercle d’amis qui deviendront ma nouvelle famille de cœur. Merci d’exaucer ma demande. Je t’aime papa et tu seras toujours présent dans mon cœur. Ysabeille Gariépy